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LA CHAMBRE NOIRE DE L'AFRIQUE

Les africans aiment la photo depuis plus d'un demi siècle. Paradoxalement, le continent noir s'intéresse très peu à ses photographes. Les autres encore moins. Le Barbican Art Gallery de Londres a comblé ce vide en organisant durant deux mois (du 29 Janvier au 28 Mars 1999) une exposition intitulé "Africa by Africa" pour sortir ces artistes de la photo de l'anonymat.

En réponse à l'intérêt sans cesse grandissant du monde occidental pour la photo en Afrique, l'exposition "Africa by Africa" a attiré, au coeur de Londres, pendant deux mois, des dizaines de milliers de passionnés de la photographie et de l'Afrique.

La clé du succès de cette exposition se trouve certainement dans la conjonction de ces deux intérêts.Une exploration sans arrière-pensées du développement de la photo en Afrique, du Sénégal à l'Afrique du Sud.

L'exposition "Africa by Africa" est ainsi le résultat de dix ans de recherche de la publication française "Revue noire". Une compilation de plus de deux cents photographies tirées de la collection d'environ vingts artistes africains dont les travaux -remontant parfois au début du siècle- ont été pour la plupart ignorés ou sont restés très méconnus. L'exposition met justement l'accent sur les principales tendances qui émergent de cette tradition, devenue populaire en Afrique et presque aussi vieille que la photographie elle-même.

L'image récurrente que renvoie l'Afrique aux yeux du monde occidental est souvent constituée d'un chapelet de souffrances. De l'enfant famélique, la peau sur les os, les yeux globuleux infestés par une nuée de mouches, à la barbarie des conflits ethniques alimentés par des dirigeants sans foi ni loi, le portrait -à l'exception de la figure héroïque de Nelson Mandela - est souvent très sombre. L'exposition a su évité le misérabilisme qui entoure, en général, tout ce qui a trait à l'Afrique.

C'est la première et plus agréable surprise que nous réserve le Barbican Art Gallery : l'optimisme et le côté positif que renvoient les photos de l'Afrique. La seconde tient à la précocité et à l'importance de la photo en Afrique. Quelques années à peine après son invention, le premier studio-photo itinérant voyait le jour à Freetown, en Sierra Léone, et vers le milieu du 19ème siècle, la mode pour les albums-photos s'était répandue dans les principales zones de commerce en Afrique. Un intérêt grandissant comme le prouve ce portrait pris en 1915 par Meïssa Gaye montrant une jeune sénégalaise, assise dans sa chambre à coucher, entourée de plusieurs photographies encadrées de sa famille ou d'amis.

Le style de ces anciennes photographies avait tendance à figer les personnages dans une sorte de gravité car les techniques d'alors exigeaient du sujet une posture immobile de plusieurs minutes. Les photographes africains, comme les européens d'ailleurs, avaient également compris que le but premier de toute prise de photo consistait à rendre compte d'un ordre social. Le rang du sujet dans la société prend alors plus d'importance que sa propre personnalité. La photo devient ainsi la représentation concrète et visible de cette hiérarchie.

Mais alors que l'influence d'un style de portrait à l'européenne est évidente dans les premiers travaux, il n'a pas fallu longtemps avant qu'une esthétique de la photo spécifiquement africaine ne voie le jour. Un des précurseurs et plus grands photographes africains de tous les temps, qui a inspiré plusieurs générations de ses contemporains, est sans doute le sénégalais Mama Casset. En compagnie de son jeune frère Salla, le célèbre photographe a développé au Sénégal, dès les années 30, un style plus libre et d'apparence moins complexe que ce qui avait été fait jusque là. Grâce à des postures plus originales alliées à des angles de prise de vue fantaisistes, Mama Casset insuffle une légèreté et une chaleur incroyables à ses photos. De plus, l'accent était davantage mis sur la richesse du tissu et de la coiffure africains au détriment de la "mode" coloniale.

L'exposition "Africa by Africa" révèle aussi le rôle important joué par les photographes itinérants, dans le développement de la photo en Afrique. Ces véritables pionniers, voyageant dans les contrées lointaines, à bicyclette ou en scooter, avec leur équipement en bandoulière, sont également des baroudeurs pétris d'ingéniosité et de créativité avec un art consommé pour inventer des espaces de prise de vue mobiles et développer leurs pellicules dans des conditions impossibles.

L'importance du décor de fond comme élément à part de la photo, destiné à encadrer le sujet, est devenue vitale grâce à ces saltimbanques de la pellicule.

En l'occurence, personne n'a utilisé cette technique avec autant de créativité et de bonheur que le malien Seydou Keita, représenté avec plus de vingts photos prises entre les années 50 et 70. Avec un sens aigu de la composition, de la texture et du détail décoratif, il plongeait ses sujets dans un monde complexe où les signes de modernité -un bracelet-montre, une radio- formaient un ensemble unique avec le typisme du décor en textile etl'habillement propre du sujet.

Cette fascination pour le portrait dont "Africa by Africa" rend si bien compte ne constitue pas un tout. Bien au contraire. L'exposition réserve une grande place au reportage et au travail documentaire. Le besoin d'indépendance et la soif de liberté, qui ont parcouru l'Afrique des années 60, ont suscité un intérêt équivalent de la part de plusieurs photographes comme le sénégalais Malick Sidibé pour saisir et immortaliser ces moments de rare optimisme en Afrique.

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